Au 20e siècle, le secteur financier suisse était dominé par un mélange de services bancaires aux particuliers et de gestion de fortune pour des clients internationaux très riches, bénéficiant du secret bancaire suisse. Depuis les années 1990, cette stratégie commerciale a été complétée par la participation des deux grandes banques suisses au marché de la banque d'investissement américaine. Deux de ces piliers centraux de la banque suisse se sont effondrés ces dernières années : alors que la crise financière a forcé UBS et Credit Suisse à se retirer en grande partie de la banque d'investissement américaine, le secret bancaire suisse a été brisé en 2014 par la pression internationale en faveur de politiques fiscales harmonisées. Dans le même temps, soutenus par les gouvernements suisses, de nouveaux acteurs sont entrés sur la scène de la finance suisse et ont proposé des stratégies alternatives : fintech, crypto, fonds de capital-investissement/risque et gestionnaires de fortune indépendants. Ces acteurs de la "finance alternative" étaient plus petits, s'appuyaient sur des modèles organisationnels différents et défendaient des modèles d'affaires tournés vers l'avenir.
Sur la base d'un modèle théorique de terrain, nous cherchons à analyser comment ces nouveaux acteurs (que nous appelons "challengers") entrent dans le champ financier suisse et comment ils tentent de s'affirmer face aux banques (les "incumbents"). Nous nous concentrons sur trois questions relatives à trois configurations de pouvoir spécifiques au sein de la finance suisse :
- Les débuts de carrière et les ambitions professionnelles dans le secteur financier suisse :
En étudiant les diplômés des principaux programmes de master en "finance" des universités suisses entre 2005 et 2015 (n=3000), nous étudions les trajectoires de début de carrière à l'aide d'une analyse de séquences et leurs ambitions à l'aide d'entretiens qualitatifs (n=30). Nous nous demandons comment les trajectoires précoces et les ambitions de carrière des jeunes professionnel·les se réfèrent aux secteurs de la finance, qu'ils soient en place ou stimulants, et ce que ces décisions de carrière nous apprennent sur leur statut relatif. - Positions et dispositions des élites financières suisses :
Sur la base d'un échantillon prosopographique (n=1000) d'élites issues à la fois des entreprises en place (banques) et des entreprises en difficulté (fintech, private equity, venture capital, gérants de fortune indépendants), nous étudions les structures hiérarchiques au sein du secteur financier suisse à l'aide d'une analyse des correspondances multiples, puis nous examinons si ces relations structurelles sont liées à des représentations spécifiques (de la finance, des intérêts et des stratégies) à l'aide d'entretiens qualitatifs (n=30). Nous nous demandons quelles oppositions et hiérarchies structurent l'espace des positions des cadres supérieur·es dans les domaines financiers suisses et comment ces positions sont liées aux secteurs en place et aux secteurs contestataires. - Le projet politique de la finance suisse :
Pour comprendre les positions politiques des banques traditionnelles par rapport à la finance alternative, nous étudions la participation des représentants institutionnels de ces secteurs à la consultation pré-parlementaire sur la politique financière en Suisse entre 2000 et 2020.
En utilisant une combinaison de modélisation topique et d'analyse des correspondances multiples, nous analysons les projets politiques les plus importants, identifions les stratégies politiques des titulaires et des challengers (y compris leurs coalitions politiques plus larges) et examinons (avec une approche de réutilisation de texte) quelles positions prévalent dans les versions finales de la loi. Ce projet de recherche étudie la transformation décisive d'un secteur emblématique de l'économie suisse. Son design de recherche innovant permet d'éclairer à la fois les changements structurels et les représentations individuelles et d'étudier leurs interactions.
Lien important:
Page du projet sur le site du FNS