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15/01/2024

Dans le 36e numéro de la revue Social Change in Switzerland, Giovanni Ferro-Luzzi et ses collègues évaluent la régularisation des sans-papiers dans le canton de Genève. Sur la base de plusieurs enquêtes, ils montrent que les opportunités professionnelles des 2900 personnes régularisées se sont élargies, mais leurs revenus restent faibles. Une conséquence de la régularisation a été la mise en conformité de nombreux employeurs.

En 2017 et 2018, le canton de Genève a lancé l’opération Papyrus et régularisé les titres de séjour d’environ 2900 personnes qui remplissaient les critères d’avoir un emploi, de vivre à Genève depuis une certaine durée, de comprendre le français et de ne pas avoir d’antécédents pénaux. Une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Université de Genève ont suivi cette cohorte d’anciens sans-papiers entre 2017 et 2022 à l’aide d’enquêtes annuelles.

Leurs résultats montrent que trois quarts des personnes régularisées sont des femmes, provenant surtout d’Amérique latine (en particulier du Brésil et de la Bolivie) et des Philippines. La plupart travaille dans l’économie domestique – dans le ménage ainsi que dans la garde d’enfants et de personnes âgées. Si la grande majorité des personnes ont gardé les mêmes emplois après la régularisation, celle-ci a eu un fort impact sur la mise en conformité de leurs employeurs. Alors que seuls 41% des emplois étaient déclarés pour les personnes sans statut légal, la proportion monte à 85% pour les personnes régularisées.

Les personnes régularisées voient leurs opportunités s’élargir sur le plan professionnel et du logement. Cependant, leur situation économique reste fragile, avec des revenus de médians entre 3000 (2017-18) et 3300 francs net (2021-22). Le recours à l’aide sociale est toutefois anecdotique, concernant moins de 1% des répondants. Même au moment de la pandémie, seuls 5% des participants régularisés ont temporairement recouru à l’aide sociale.

Les auteurs concluent que la régularisation a donné de perspectives de vie plus stables à des personnes vivant en Suisse depuis de longues années. Elle a aussi permis d’assainir les relations d’emploi dans des secteurs où le travail au noir était répandu. Elle a ainsi mis fin à un régime contradictoire qui tolérait la présence de migrants sans permis de séjour pour répondre à des besoins sociaux et économiques, tout en acceptant la persistance d’abus.

>> Ferro-Luzzi, Giovanni, Refle, Jan-Erik, Burton-Jeangros, C. & Jackson, Yves (2023). La régularisation des travailleurs sans-papiers dans le canton de Genève. Social Change in Switzerland, N°36, www.socialchangeswitzerland.ch

Contact

Prof. Giovanni Ferro-Luzzi, Université de Genève & HES-SO Genève, 022 379 89 01, Giovanni.Ferro-Luzzi@unige.ch

 

La série Social Change in Switzerland documente, en continu, l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS et le Centre LIVES – Le Centre suisse de compétence en recherche sur les parcours de vie et les vulnérabilités. Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. Basées sur la recherche empirique de pointe, elles s’adressent à un public plus large que les seuls spécialistes.