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Communiqué - Communes progressistes et inégalités de santé – Un paradoxe suisse?

22/05/2024
©Franklin | Adobe Stock

A la surprise des chercheur·es, les inégalités de santé fondées sur le statut social sont plus importantes dans les lieux économiquement progressistes en Suisse. En effet, les personnes de faible statut dans les lieux économiquement progressistes font état d'une santé subjective et d'une satisfaction de la vie nettement inférieures à celles des personnes de même statut dans les lieux conservateurs. Deux chercheur·es du Centre LIVES, Katy Morris (Université de Lausanne) et Dimitrios Lampropoulos (Université de Vincennes, Paris 8) interprètent ce résultat inattendu comme la preuve de l’impact du climat idéologique. Elle et il supposent que le rejet de trois initiatives nationales qui tentaient de changer le statu quo économique participerait à expliquer pourquoi les inégalités de santé basées sur le statut sont plus importantes dans les communes progressistes. 

La recherche sur le statut social et la santé a systématiquement montré que les personnes ayant un statut socio-économique inférieur ont une moins bonne santé et un bien-être subjectif inférieur. Sur la base des données MOSAiCH de 2015 à 2020 (Mesure et Observation Sociologique des Attitudes en Suisse), Katy Morris et Dimitrios Lampropoulos proposent et testent l'idée que les climats idéologiques locaux - normes et modes de pensée locales partagées - peuvent avoir un impact sur la relation entre le statut social et la santé. Sur la base des études existantes, les chercheurs s'attendaient à ce que les personnes de condition modeste fassent état de niveaux plus élevés de santé subjective et de satisfaction à l'égard de la vie si elles vivaient dans des municipalités économiquement progressistes. Cependant, les résultats obtenus vont à l'encontre de leur hypothèse.

En moyenne, les personnes interrogées ayant un faible statut subjectif déclarent un score de 60 sur une échelle de 100 points pour leur satisfaction dans la vie dans les communes les plus progressistes sur le plan économique, alors que ce score est de 72 points dans les lieux plus conservateurs. Parmi les répondant·es à faible revenu, la satisfaction moyenne à l'égard de la vie est de 65 pts dans les endroits les plus progressistes sur le plan économique, mais de 76 pts dans les endroits les plus conservateurs.

Des conséquences du climat structurel sur la santé individuelle

L'association négative entre le climat idéologique, la santé et le bien-être des personnes de condition modeste mérite d’être prise en considération. Les chercheur·es ont mesuré le climat idéologique (ou progrès économique) progressiste ou conservateur des Communes sur la base des résultats de trois initiatives qui visaient à modifier le statu quo économique en Suisse. Dans ce cadre, les lieux économiquement progressistes sont des lieux où une plus grande proportion de résidents a voté en faveur de ces initiatives : 

  • la rémunération des cadres – Contre les rémunérations abusives (2013)
  • le salaire minimum national (2014)
  • 99 % - Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital (2021) 

Ces votations ont été respectivement rejetées par 65,3 %, 76,3 % et 64,9 % de l'électorat suisse. Morris et Lampropoulos affirment que le rejet massif, au niveau national, des trois initiatives électorales utilisées pour mesurer le climat idéologique est susceptible d'être au cœur de la compréhension. Elle et il proposent que le contraste entre les normes et aspirations locales dans les endroits qui étaient plus favorables à ces initiatives de vote et les schémas de vote nationaux sont tels que les individus de statut inférieur dans les communes économiquement progressistes ont intériorisé un sentiment de colère, de frustration et/ou de désespoir quant à l'impossibilité d'un changement structurel en Suisse qui affecte matériellement leur santé et leur bien-être.

Contact et article complet

  • Dr Katy Morris, Première assistante, Institut des Sciences sociales, Faculté des Sciences sociales et politiques (SSP), Université de Lausanne - katy.morris@unil.ch
  • Dr Dimitrios Lampropoulos, Maître de conférences, Laboratoire parisien de psychologie sociale, Université Paris 8 - dimitrios.lampropoulos@univ-paris8.fr

Katy Morris, Dimitrios Lampropoulos.(2024). The progressive place paradox: Status-based health inequalities are magnified in more economically progressive Swiss localities Health & Place, 86, 103215. doi:10.1016/j.healthplace.2024.103215 

Depuis 2011, le Centre LIVES (Centre suisse de compétence en recherche sur les parcours de vie et les vulnérabilités) étudie les effets de l'économie et de la société sur l'évolution de situations de vulnérabilité par le biais d'études longitudinales et comparatives. Il vise à mieux comprendre l'apparition et l'évolution de la vulnérabilité ainsi que les moyens de la traverser pour favoriser l'émergence de mesures sociopolitiques innovantes. Le Centre LIVES est abrité par les universités de Lausanne et de Genève. Il comprend un réseau de quelque 200 chercheur·es de diverses disciplines, dans toute la Suisse et à l’étranger.