En Suisse, entre 1979 et 2011, le nombre d’ami·es proches dès l’âge de 65 ans a augmenté. Une étude menée à l’Université de Genève montre que cette tendance est due à un changement global de mode de vie intégrant plus de relations sociales. Cependant, cette augmentation ne concerne pas l’ensemble de la population. En effet, les personnes vivant en milieu urbain, plus actives en meilleure santé ont plus de chances de compter des ami·es proches dès 65 ans, montrant ainsi la poursuite d’inégalités sociales car l’amitié reste un facteur important de bien-être à cette étape de la vie. De façon globale, les chercheur·es démontrent que les liens familiaux et les amitiés coexistent plutôt que de se substituer l'un à l'autre.
Les sociologue et démographe Marie Baeriswyl et Michel Oris du Centre LIVES à l’Université de Genève se sont intéressé·es à deux aspects de l’amitié au grand âge entre 1979 et 2011 : son évolution (augmentation/diminution du nombre d’amitiés) ainsi qu’aux disparités sociales. Publiée dans la revue “International Journal of Aging and Human Development”, leur étude confirme que les relations sociales augmentent après la retraite. Dans cette dynamique, le nombre d’amitiés proches a augmenté en 32 ans. Cependant, les résultats indiquent que si l'amélioration des conditions socio-économiques et du niveau d'éducation joue un rôle dans cette tendance, elle n'explique pas entièrement l'augmentation observée.
Élément encore peu exploré scientifiquement, les chercheur·es se sont intéréssé·es aux profils des personnes qui déclarent entretenir des liens d'amitié étroits. L’étude montre en effet des inégalités persistantes entre les sexes, même si les femmes bénéficient davantage des tendances historiques récentes en matière d'encouragement des amitiés. L'étude met également en évidence des disparités régionales et socio-économiques, les régions urbaines et les personnes plus instruites ayant un meilleur accès aux amitiés.
Le vieillissement actif, un modèle encouragé en Suisse
En Suisse, le réseau personnel de chacun·e est particulièrement important étant donné que l'État n'intervient que lorsque la famille ou les communautés locales ont atteint leurs limites. Cette recherche a ainsi toute son importance dans le contexte suisse, illustré par une société à la fois riche et inégale. En effet, bien que la Suisse affiche une espérance de vie et des revenus parmi les plus élevés au monde, une personne âgée sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté et l'espérance de vie en bonne santé des personnes les moins formées stagne. Enfin, la Suisse, comme la plupart des pays occidentaux, promeut le modèle du vieillissement actif, soutenu par les organisations internationales, qui encourage la participation sociale des personnes âgées dans une perspective de bien-être.
Article complet
Baeriswyl M, Oris M. Friendship in Later Life: Thirty Years of Progress and Inequalities. The International Journal of Aging and Human Development. 2023;96(4):420-446.